Dans le contexte de la crise actuelle, en quoi l’action conjointe de l’État et des territoires, via les organismes institutionnels de tourisme, est-elle essentielle ?
Mieux que cela, c’est la clé. Dans ce secteur comme dans bien d’autres, il n’y a pas de bonne action possible de l’Etat sans une étroite coordination avec les acteurs territoriaux et leurs représentants, en premier lieu les élus. A fortiori dans le domaine du tourisme qui est une compétence partagée à tous les niveaux. Et je vous le dis aussi en tant qu’élu de l’Yonne. Je sais ce qu’apporte à une politique nationale l’implication des acteurs territoriaux. La coproduction Etat-Territoires, c’est, ma foi, une manière de faire de la politique que je revendique.
D’autant que c’est dans les territoires que réside le capital touristique de notre pays. La destination France, c’est un peu les « poupées russes » : elle contient toute une variété de destinations ! Nous devons capitaliser sur ces vécus, ces expériences, cette pratique et cette connaissance du terrain pour nourrir et ajuster notre action.
C’est dans cet esprit que j’ai mis en place le fameux « comité de filière tourisme » que je réunis chaque semaine depuis le début de la crise ; mais aussi que j’ai initié en 2020 le Tour de France des régions ; ou encore que nous avons défini des feuilles de route pour prendre en compte les spécificités de certains territoires – je pense à Lourdes, à la Corse ou aux Outre-mer. C’est cette même conviction qui m’a conduit, avec Joël Giraud, Secrétaire d’Etat à la ruralité, à aller à la rencontre des acteurs de la montagne ces derniers jours pour lancer la préparation du plan d’investissement pour la montagne voulu par le Premier ministre.
Je salue d’ailleurs l’engagement d’ADN tourisme dans ces concertations et travaux communs. Marie-Reine Fischer est vice-présidente du CFT et elle porte votre voix, à l’instar du président Mourisard.
Cet engagement conjoint est aussi précieux pour doter le secteur du tourisme de capacités de veille, d’analyse et d’intervention indispensables à son action. Et tout cela, c’est du concret ! Je pense par exemple au travail mené par ADN tourisme avec Atout France sur la carte interactive, autour de la marque France et des campagnes de promotion ou plus récemment sur la préfiguration d’un dispositif d’observation du tourisme.
Ces échanges continus nous permettent de progresser ensemble, de cibler les difficultés et d’apporter des réponses adaptées. On fait du cousu main ! Ils doivent aussi nous permettre de dessiner le tourisme de demain. Si la crise a pu révéler les fragilités du secteur et le mettre à mal, elle a aussi favorisé de nouvelles pratiques, fait naître de nouveaux besoins que nous devons décrypter ensemble et dont nous devons tirer tous les enseignements. Vos alertes, propositions et retours d’expériences nous sont précieux pour penser et façonner le tourisme de demain.
Quel rôle peut jouer en la matière ADN Tourisme, en tant que nouvelle représentation unifiée des organismes institutionnels de tourisme au niveau national ?
Avant tout, joyeux anniversaire à ADN Tourisme ! Fédérer les OT, CDT et CRT, on en parlait depuis des années, vous l’avez fait ! C’était il y a un an tout juste et alors que vous soufflez votre première bougie, on a comme l’impression qu’ADN a toujours existé. C’est bien la preuve qu’ADN Tourisme s’est imposé comme un « partenaire particulier » des pouvoirs publics, et singulièrement du Secrétaire d’Etat au Tourisme, pour affronter la crise comme pour préparer la reprise. Nous avons depuis un an noué des liens forts. Chapeau bas à l’ensemble des équipes et des dirigeants qui se retroussent les manches chaque jour pour promouvoir le tourisme bleu-blanc-rouge.
Avec ses 1100 adhérents, ADN Tourisme joue un rôle clé, à la fois comme outil de connaissance – l’association propose une vision, une expertise, une analyse de ce secteur qui nous sont précieuses – et dans le même temps comme « téléphone rouge » entre l’Etat et les acteurs institutionnels locaux du tourisme. Vous participez, de fait, à la structuration et à la promotion d’une offre touristique cohérente et innovante. ADN, c’est un acteur engagé pour le rayonnement, l’attractivité et la compétitivité de notre destination. Je pense notamment au webinaire « Partir en France » qui, en janvier dernier, a préparé la saison 2 de « l’été bleu-blanc-rouge ».
Selon vous, comment concilier la reprise d’une activité touristique et la demande forte des Français pour un tourisme plus responsable ?
En ne mettant pas dos à dos attractivité et responsabilité environnementale. Et d’ailleurs, les professionnels l’ont bien compris et agissent déjà fortement en ce sens. L’urgence climatique était perceptible bien avant la crise ; la pandémie accélère encore les évolutions comportementales. Nos concitoyens aspirent plus que jamais à un retour à la nature, à un tourisme plus authentique et de proximité. C’est un mouvement qui est appelé à perdurer bien au-delà de la crise, et qui représente un potentiel additionnel pour le tourisme tricolore. Reprise d’activités, développement économique et évolution vers un tourisme plus responsable ne sont pas antinomiques. Bien au contraire, ils se nourrissent mutuellement. A nous donc de préparer le tourisme français à ces nouvelles attentes exprimées et qui sont autant d’opportunités sonnantes et trébuchantes pour le tourisme tricolore.
J’ai pour cela souhaité que l’une des commissions thématiques du Comité de filière Tourisme soit dédiée au tourisme durable. J’en ai confié la présidence à Nicolas Dayot, président de la FNHPA. Elle a beaucoup travaillé tout au long de ces derniers mois et nous guidera utilement dans nos prochaines actions.
Ce même attachement du Gouvernement à promouvoir le tourisme durable s’est aussi concrétisé par la création, dans le cadre du plan de relance de septembre dernier, d’un fonds de soutien au tourisme durable doté de 50M€, avec pour objectif d’accompagner les restaurants et les établissements d’hébergement dans l’évolution de leurs pratiques et l’adaptation de leurs équipements et appuyer le développement du slow tourisme. Les appels à projets seront publiés très prochainement et j’invite les acteurs locaux à mettre l’imagination au pouvoir !
Le plan d’investissement pour la montagne que j’évoquais, et qui devrait être présenté par le Premier ministre en mai prochain à l’occasion d’un Comité interministériel du tourisme de montagne, fera aussi de la diversification des activités touristiques et de leur transition vers des modèles plus durables ses priorités.
Vous le voyez, nous croyons en ces évolutions parce qu’elles répondent à des attentes fortes. Elles doivent devenir un marqueur de notre offre. C’est en poursuivant sur cette voie du tourisme responsable que nous saurons aussi faire la différence avec nos concurrents et nous renforcerons durablement l’attractivité du tourisme bleu-blanc-rouge.