Depuis 2020 on ne cesse de nous parler du tourisme du monde d’après. Comprenez du monde d’après covid. Ce tourisme devait être plus vertueux, plus respectueux, plus écologique, moins aérien et parfois même plus lent. Alors une fois rangés les masques FFP2, force est de constater que le tourisme du monde d’après ressemble furieusement au monde d’avant. Et selon une récente étude : 74% des français-voyageurs affirment avoir l’intention de voyager encore plus en 2024.
Mais où ces français vont-ils se rendre ?
Pendant et après le covid, nombre de professionnels du tourisme ont mis en avant le concept de « tourisme de proximité ». Dans un premier temps, cela semblait fort logique car les contraintes et les restrictions sanitaires étaient telles que l’on ne pouvait pas ou peu sortir des limites de l’hexagone. Et par ailleurs, l’idée de se retrouver dans des lieux de forte concentration touristiques comme les plages pouvait faire peur.
Les français à cette période ont alors changé leurs habitudes en devenant des « explorateurs hexagonaux » redécouvrant les lieux et le patrimoine du pays. Pour les entreprises du secteur ce fut une réussite incontestable.
Mais aujourd’hui comment transformer l’essai ? Alors que les destinations étrangères et les compagnies aériennes font le plein à l’image d’Air France qui a fait voyager durant l’été 7,6% de passagers en plus par rapport à la même période de 2022.
Tout d’abord, il ne faut pas considérer les effets de la période post-covid comme un phénomène durable, ni comme un bouleversement en profondeur des habitudes de consommation touristique. Et il faut se poser une question essentielle : « Comment, au-delà de la qualité des sites, de la beauté des paysages, ou encore de l’excellence de l’accueil, faire venir ou revenir les touristes ou en attirer de nouveaux ? ».
Sans doute en ne proposant plus forcément, par exemple, des visites ou des découvertes mais bien « des expériences ». En clair, il faut repenser l’offre touristique pour, à produit équivalent, donner le sentiment aux visiteurs qu’ils n’ont pas visité tel ou tel lieu mais qu’ils ont vécu une expérience quasi unique « rien que pour eux » à travers l’originalité de la visite. Même si nous savons tous qu’elle sera dupliquée durant toute la saison. Ce sentiment d’exclusivité donnera forcément de la valeur à l’expérience et provoquera l’envie de revenir, de poursuivre l’exploration, et surtout d’en parler autour d’eux.
Autre moyen de séduire encore plus : parvenir à mixer les activités classiques des vacances comme la découverte et le sport. Dans ce domaine des expériences très intéressantes existent déjà comme par exemple la découverte des hauts lieux de la résistance dans le Vercors en VTT à assistance électrique. Une idée simple sur le papier mais qui a nécessité de former des accompagnateurs avec la double compétence vtt et histoire. Là encore on parlera d’expérience que toute une famille peut partager et dont elle parlera.
On peut également évoquer le succès grandissant du tourisme industriel ou de la mise en avant des entreprises du patrimoine vivant. Si certaines entreprises sont déjà bien structurées pour recevoir des visiteurs (souvent dans les secteurs de l’agroalimentaire), il y a une nécessité aujourd’hui d’accompagner encore plus ces petites perles de notre patrimoine. Notamment dans des secteurs qui peuvent provoquer l’étonnement à l’image des visites de centrales nucléaires mises en place par EDF ou des entreprises possédant le label « entreprises du patrimoine vivant », souvent des PME qui n’ont pas une grande expérience du tourisme.
De mon point de vue, pour attirer de nouveaux touristes de proximité il faut simplifier l’accès à l’offre pour rendre l’acte de préparation et de financement de ses vacances aussi simple que lorsque l’on va dans une agence de voyage réserver son voyage à l’étranger.
Il ne faudra pas oublier d’intégrer les populations locales pour ne plus leur faire subir le tourisme mais bien au contraire les impliquer y compris par le biais de créations d’emplois, en transformant chaque habitant en ambassadeur de son village, sa ville, son département, ou sa région. Une manière d’en finir avec le complexe provincial face aux grandes destinations touristiques.
En conclusion, aujourd’hui il est nécessaire de booster et de moderniser notre offre de tourisme de proximité. Mais en ne perdant toutefois pas de vue que la principale cible doit être, aujourd’hui, une clientèle plus jeune, une clientèle qui selon une étude de l’Alliance France Tourisme a une vision plus large du tourisme de proximité. La proximité pour les jeunes interrogés par A.F. T. : c’est l’Europe.
Philippe Lefebvre – Chroniqueur France Inter